CAN tous les quatre ans : Une réforme qui divise le football africain
La perspective d’une Coupe d’Afrique des nations organisée désormais tous les quatre ans continue de susciter de vives réactions dans le monde du football africain. Parmi les voix les plus critiques figurent celles de Gernot Rohr, sélectionneur des Guépards du Bénin, et de Claude Le Roy, ancien entraîneur de plusieurs sélections africaines. Tous deux estiment que cette évolution du calendrier continental constitue un recul pour le développement du football en Afrique.
Pour Gernot Rohr, l’attachement à une CAN biennale est autant émotionnel que sportif. Le technicien franco-allemand ne cache pas sa déception face à ce qu’il considère comme une rupture avec l’esprit historique de la compétition. « Moi, je suis personnellement frustré de voir que la CAN n’aura maintenant lieu que tous les quatre ans. J’ai toujours aimé cet esprit qu’il y avait et avoir ça tous les deux ans, ça m’a paru normal, naturel, logique », a-t-il confié. À ses yeux, la CAN tous les deux ans faisait partie de l’ADN du football africain et contribuait à maintenir une dynamique régulière autour des sélections nationales.
Le sélectionneur béninois redoute également un manque à gagner symbolique et sportif. « Si c’est tous les quatre ans, ça va manquer. C’est une grande déception. Je trouve que c’est une erreur. Ce n’est pas bien pour le football africain », insiste-t-il. Selon lui, la fréquence biennale permettait aux nations africaines, notamment celles en reconstruction, de se projeter rapidement vers un objectif majeur, d’évaluer leurs progrès et de maintenir l’engouement populaire autour de leurs équipes nationales.
Un constat que partage Claude Le Roy, figure emblématique du football africain, passé par les bancs du Cameroun, du Sénégal, du Ghana ou encore du Congo. Fidèle à son franc-parler, l’entraîneur qualifie sans détour cette réforme de « bêtise affligeante ». Pour lui, la CAN tous les quatre ans va à l’encontre des intérêts du continent. « Vous ne voulez pas le développement de l’Afrique ? », s’interroge-t-il, estimant que la compétition continentale jouait un rôle structurant bien au-delà du simple cadre sportif.
Claude Le Roy met en avant l’impact concret de la CAN sur les infrastructures. Selon lui, l’organisation régulière de la compétition incitait les États hôtes à investir dans des stades, des terrains d’entraînement, mais aussi dans des infrastructures connexes comme les routes ou les équipements urbains. « Avec une Coupe d’Afrique tous les deux ans, ça permettait que pas mal de travail soit effectué. Ce dont a besoin toute l’Afrique subsaharienne », soutient-il, voyant dans la CAN un véritable levier de développement.
L’ancien sélectionneur va plus loin en dénonçant une décision qu’il juge « contre l’Afrique et pour la FIFA ». Il estime que la réduction de la fréquence de la CAN s’inscrit dans un calendrier international de plus en plus dense, dominé par des compétitions créées sous l’égide de la FIFA. « La FIFA crée d’autres compétitions complètement bidon pour abîmer encore plus les joueurs », déplore-t-il, pointant notamment la Coupe arabe de la FIFA, qu’il considère comme dénuée de sens sportif pour le continent africain.
Cette critique rejoint un débat plus large sur la surcharge du calendrier et la protection des joueurs. Pour Claude Le Roy, il est paradoxal de réduire la visibilité et la fréquence de la CAN, tout en multipliant d’autres tournois internationaux, parfois mieux dotés financièrement. Il s’étonne notamment que certaines compétitions offrent des primes supérieures à celles de la Coupe d’Afrique, sans susciter de réactions majeures. « Je ne comprends même pas comment les journalistes n’ont pas réagi contre ça », regrette-t-il.
Si les défenseurs d’une CAN quadriennale avancent des arguments liés à l’alignement avec les autres grandes compétitions internationales et à la préservation de la santé des joueurs, les propos de Gernot Rohr et de Claude Le Roy illustrent une inquiétude persistante : celle de voir la CAN perdre une partie de son rôle moteur dans le développement du football africain. Au-delà de la question du calendrier, c’est donc l’équilibre entre visibilité, développement et reconnaissance du football africain sur la scène mondiale qui reste au cœur du débat.


