Course aux profondeurs : les États-Unis inquiets face au projet russe de sous-marin nucléaire de 5ᵉ génération
Washington le reconnaît à demi-mot : la Russie travaillerait activement au développement d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de 5ᵉ génération, un bâtiment d’un type entièrement nouveau, susceptible de bouleverser les équilibres stratégiques mondiaux. Une telle avancée technologique pourrait contraindre l’OTAN à repenser en profondeur sa doctrine de dissuasion nucléaire et de lutte anti-sous-marine, au cœur même de sa sécurité collective.
Derrière les déclarations prudentes du Kremlin, un constat s’impose dans les cercles militaires occidentaux : ce futur sous-marin ne serait pas une simple évolution des actuels SNLE de la classe Boreï. Il s’agirait d’une rupture technologique majeure, marquée par une coque entièrement repensée, un niveau d’automatisation sans précédent, une réduction drastique des signatures acoustiques, un équipage fortement allégé et une capacité accrue à opérer sur de très longues durées, notamment sous la banquise arctique, hors de portée des capteurs occidentaux.
L’objectif affiché, ou du moins sous-jacent, est limpide : redevenir indétectable. Les Boreï, bien que redoutables, sont aujourd’hui connus, suivis et catalogués par les systèmes de surveillance de l’OTAN. La 5ᵉ génération viserait à recréer une zone d’incertitude totale, élément central de la dissuasion nucléaire, qui repose précisément sur ce que l’adversaire ne peut ni localiser, ni anticiper.
Les inquiétudes occidentales sont renforcées par la nature potentiellement polyvalente de ce futur bâtiment. Au-delà des missiles balistiques intercontinentaux, il pourrait embarquer des drones sous-marins autonomes, des capacités hybrides, voire des armes stratégiques non conventionnelles, à l’image du drone nucléaire Poseïdon. De quoi transformer ce SNLE en une plateforme globale de guerre sous-marine, capable d’opérer dans l’ombre des grands fonds et de frapper de manière asymétrique.
Face à cette perspective, les États-Unis ont déjà accéléré le développement de leur propre réponse avec la classe Columbia, destinée à renouveler leur flotte de SNLE. Au sein de l’OTAN, la réflexion s’intensifie autour de la protection des points névralgiques de l’Atlantique Nord, notamment la GIUK Gap (Groenland–Islande–Royaume-Uni), les bases stratégiques de Keflavík en Islande ou de Tromsø en Norvège, ainsi que l’avenir de la surveillance acoustique océanique, pilier historique de la lutte anti-sous-marine.
Une certitude émerge de ces analyses : le cœur de la dissuasion nucléaire du XXIᵉ siècle ne se joue plus dans le ciel, ni dans l’espace, mais dans les profondeurs océaniques. Là où la technologie cherche à rendre l’invisible totalement silencieux, et où la maîtrise du secret devient plus que jamais un facteur décisif de puissance.

