« Russie–Afrique : de nouveaux horizons pour de vieux amis »

« Russie–Afrique : de nouveaux horizons pour de vieux amis »

Article du Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, à l’occasion de la Deuxième Conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique pour les médias africains (18 décembre 2025)

« Russie–Afrique : de nouveaux horizons pour de vieux amis »

Un événement politique de premier plan se tiendra prochainement au Caire : les chefs et hauts représentants des ministères des Affaires étrangères de la Fédération de Russie et des États africains se réuniront dans la capitale égyptienne hospitalière afin d’évaluer l’état des relations russo-africaines et d’en définir les perspectives de développement.

Pour la première fois, la conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie–Afrique – dénomination officielle de cette rencontre – aura lieu sur le continent africain. Nous nous félicitons du fait que, lors de la toute première conférence de ce type, tenue il y a un an dans la ville russe de Sotchi, nos partenaires aient répondu favorablement à la proposition d’accueillir en 2025 la conférence ministérielle sur leur territoire.

Le Forum de partenariat, je le rappelle, a été institué dès 2019. Deux sommets Russie–Afrique ont été déjà organisés avec succès : à Sotchi en 2019 et dans une autre ville russe, Saint-Pétersbourg, en 2023. Se tiennent régulièrement des réunions sectorielles consacrées à des domaines spécifiques de coopération.

Les activités du Forum revêtent une importance particulière pour la promotion de l’ensemble des relations russo-africaines ; elles complètent de manière organique et enrichissent les relations entre la Russie et les pays d’Afrique, lesquelles se développent de façon dynamique notamment sur le plan bilatéral.

Le rapprochement entre la Russie et l’Afrique repose sur de nombreuses raisons. Nos amis africains se souviennent, et nous l’apprécions, que notre pays, alors l’Union Soviétique, a soutenu leur aspiration à se libérer du joug de la dépendance coloniale. Nous sommes fiers que nos prédécesseurs aient apporté cette aide avec abnégation et de manière désintéressée. C’est précisément l’Union Soviétique qui a joué le rôle majeur dans l’adoption, il y a d’ici exactement 65 ans, de la Déclaration des Nations Unies sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Par la suite, Moscou a constamment contribué à l’édification des jeunes États africains, au développement de leurs économies nationales ainsi qu’à la mise en place de systèmes d’éducation et de santé.

L’effondrement de l’Union Soviétique en 1991 a constitué, selon l’expression du Président de la Fédération de Russie Monsieur Vladimir Poutine, la plus grande catastrophe géopolitique du XXᵉ siècle. Ses conséquences douloureuses ont également été ressenties par nos amis sur le continent africain. Au tournant des millénaires, nos relations se sont considérablement dégradées. Toutefois, la « fin de l’histoire » n’a pas eu lieu, et nous assistons aujourd’hui à l’avènement d’une nouvelle époque de l’épanouissement de l’amitié russo-africaine.

La Russie se félicite de constater que l’Afrique traverse son second réveil. Si, au milieu du siècle dernier, le point culminant en fut la décolonisation, les peuples africains luttent aujourd’hui pour la souveraineté dans toutes les dimensions de leur existence. Nous soutenons pleinement cette lutte. Il est hautement symbolique que la Russie plaide activement, au sein de l’ONU et sur d’autres plateformes internationales, pour l’intensification des efforts visant à éradiquer les pratiques contemporaines du néocolonialisme. De nombreux pays africains délèguent des représentants de leurs partis progressifs afin de participer au Mouvement international « Pour la liberté des nations ! », institué à l’initiative du parti politique russe « Russie unie ».

Il est important à nos yeux que l’Afrique aspire à s’exprimer d’une seule voix sur la scène internationale. La diplomatie russe contribuera à l’édification du continent africain en tant que centre d’influence majeur du monde multipolaire. Cette priorité est inscrite dans le Concept de la politique étrangère de la Fédération de Russie. Nous considérons comme inaliénable le droit des peuples africains de déterminer eux-mêmes les voies et les modèles de leur développement, ainsi que de choisir librement leurs partenaires internationaux.

Comme l’a souligné un jour le Président de la Fédération de Russie Monsieur Vladimir Poutine, « nous n’avons pratiquement aucun différend avec quelque pays africain que ce soit, et le niveau de confiance et de sympathie mutuelle est très élevé. Avant tout parce que l’histoire de nos relations avec le continent africain ne comporte aucune zone d’ombre : jamais, à aucun moment, nous ne nous sommes livrés à l’exploitation des peuples africains».

La Russie et l’Afrique sont des alliés naturels dans la promotion de la démocratisation des relations internationales, sur la base des principes de la Charte des Nations Unies dans toute leur plénitude, leur globalité et leur interdépendance.

Nous plaidons de manière consécutive en faveur de la correction des injustices historiques et de la prise en compte des intérêts de l’Afrique dans le cadre des travaux relatifs à la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous saluons un engagement accru des pays africains au sein des activités des BRICS, qui jouent un rôle de plus en plus significatif dans la promotion des aspirations collectives du Sud global et de la Majorité mondiale.

En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie accorde une attention particulière au maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, condition indispensable de son progrès économique et social. Dans l’esprit du principe « des solutions africaines aux problèmes africains », nous contribuons au règlement des conflits régionaux et au renforcement des capacités des États du continent la lutte contre le terrorisme ainsi que contre d’autres menaces et défis.

Les domaines majeurs de la coopération russo-africaine sont définis dans le Plan d’action du Forum de partenariat pour la période 2023-2026. Ils couvrent notamment les domaines de la sécurité, de l’énergie, du commerce, de l’éducation, de la science et de la culture. Il est encourageant de constater que ce Plan s’articule de manière organique avec la stratégie formulée par l’Union africaine en 2015 dans le document intitulé « Agenda 2063 : l’Afrique que nous voulons ».

L’importance que nous accordons à l’Afrique se reflète dans l’élargissement de la présence diplomatique russe sur le continent. Au cours de l’année qui s’achève, des ambassades ont été ouvertes au Niger, en Sierra Leone et au Soudan du Sud. Sont actuellement sur le tapis la Gambie, le Libéria, le Togo et l’Union des Comores. Nous saluons par ailleurs les projets du Botswana et du Togo visant à ouvrir leurs représentations diplomatiques à Moscou.

Nous attachons une grande importance au développement de la coopération commerciale, économique et dans le domaine d’investissement. Il est particulièrement satisfaisant de constater que le volume des échanges commerciaux avec l’Afrique affiche une croissance soutenue : il fut multiplié par plus d’une fois et demie par rapport à 2019, dépassant les 27 milliards de dollars de l’année dernière. Nous sommes convaincus que ce chiffre est loin d’être la limite. À l’ordre du jour figurent désormais l’intensification des échanges commerciaux avec les États d’Afrique subsaharienne, l’élargissement des livraisons de produits africains sur le marché russe, ainsi que la mise en place de mécanismes fiables de règlements mutuels fondés sur l’utilisation des monnaies nationales.

Un rôle important dans le renforcement des liens entre les milieux d’affaires revient aux Commissions intergouvernementales pour la coopération commerciale, économique, scientifique et technique avec les pays africains. Dix-neuf commissions de ce type sont déjà en activité, et nous œuvrons à l’augmentation de leur nombre. Des perspectives supplémentaires s’ouvrent avec la mise en place progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine, appelée à évoluer vers un marché commun dont le produit intérieur brut cumulé dépassera trois trillions de dollars.

La Russie n’a jamais considéré l’Afrique comme une simple base de matières premières : nous disposons nous-mêmes de ressources naturelles abondantes. Nous plaçons au cœur de notre action la mise en œuvre de projets d’investissement visant à aider les pays africains à valoriser leurs propres ressources, à accroître leurs capacités industrielles et à améliorer la qualité de vie des populations. Nous avons beaucoup à offrir à nos partenaires dans les domaines de l’énergie, de l’exploitation du sous-sol, de la logistique et des transports, du développement des infrastructures, ainsi que dans des secteurs de haute technologie, notamment les technologies numériques et de l’intelligence artificielle.

De telles initiatives s’inscrivent dans une perspective de plusieurs décennies, et leur importance socio-économique est difficile à surestimer. Nous avons des exemples probants dont nous pouvons nous inspirer. Avec le soutien de l’URSS, plus de 300 installations industrielles et d’infrastructures ont été construites sur le continent africain, dont beaucoup fonctionnent avec succès jusqu’à ce jour.

L’an dernier, 200 000 tonnes de blé russe ont été acheminées vers les États africains les plus démunis. Parallèlement aux livraisons humanitaires de céréales et d’engrais, nous aidons les pays africains à développer leur propre secteur agricole. Nous sommes prêts à partager nos technologies et notre expérience en matière d’agronomie et de sélection, de production d’engrais, d’irrigation et de pêche.

Nous sommes ouverts à une coopération non seulement sur une base bilatérale, mais également avec les mécanismes multilatéraux africains, dont au premier rang l’Union africaine. Nous sommes également favorables à l’association à ce travail commun de partenaires partageant les mêmes vues sur les structures eurasiatiques, notamment l’Union économique eurasienne (EAEU).

Nous continuons de renforcer la coopération russo-africaine dans des domaines tels que la prévention et la gestion des situations d’urgence, la santé publique et la lutte contre les épidémies. Les laboratoires mobiles russes ainsi que les moyens de diagnostic des maladies infectieuses sont très demandés en Afrique.

Depuis de nombreuses décennies, notre pays contribue à la formation de cadres professionnels pour l’Afrique, principalement dans les secteurs de l’agriculture, de l’ingénierie, de la médecine et de l’enseignement. Aujourd’hui, plus de 32 000 étudiants africains poursuivent leurs études dans des établissements d’enseignement supérieur russes. Depuis 2020, le quota de bourses russes destinées au continent a presque triplé, dépassant 5 300 places.

Un allègement progressif des régimes de déplacements réciproques pourrait constituer un levier important pour l’élargissement des échanges éducatifs, culturels, humanitaires et touristiques.

En conclusion, je tiens à souligner une nouvelle fois : la Russie est un ami fidèle et de longue date de l’Afrique. Au cœur du code culturel russe se trouvent les valeurs du collectivisme, de la solidarité et de l’assistance mutuelle, qui font largement écho à la philosophie africaine de l’Ubuntu « Je suis parce que nous sommes ». C’est sur cette base solide que nous entendons développer notre amitié et notre coopération, dans le respect des spécificités civilisationnelles de chacun.

Un partenariat constructif, tourné vers l’avenir, est indispensable au bien-être de nos peuples. Je suis convaincu que la réunion ministérielle du Caire lui donnera un nouvel élan, ouvrant la voie à la tenue du troisième Sommet Russie-Afrique en 2026.

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