Code pénal béninois : Nuance entre Complot et Attentat contre la sûreté de l’État

Code pénal béninois : Nuance entre Complot et Attentat contre la sûreté de l’État

Dans son réquisitoire avant délibération dans le cadre du procès Boko-Homeky, le procureur Mario Mètonou a apporté la nuance entre Complot contre la sûreté de l’Etat et attentat contre la sûreté de l’Etat.

Lire ses déclarations :

“Nous avons bien dit complot contre la sûreté de l’état. Cette infraction est à distinguer de l’attentat contre la sûreté de l’état. C’est la confusion entre les deux infractions la première, celle que nous poursuivons et la deuxième, celle que le commun des béninois appelle prosaïquement coup d’état qui a alimenté et qui alimente encore toutes les polémiques et les questionnements, légitimes”

“Notre dossier, n’est pas un dossier de coup d’état. Nous ne poursuivons pas l’infraction d’attentat contre la sûreté de l’État ; Nous poursuivons l’infraction distincte de complot contre la sûreté de l’état.

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Je vous explique :

Dans le cheminement qui mène à la commission d’une infraction nous distinguons globalement trois étapes :

• La volonté ou l’envie de commettre l’infraction

• La planification ou la préparation de l’infraction

• L’exécution ou la consommation de l’infraction

En général le législateur ne punit pas la première étape et la deuxième étape. D’ailleurs si on devait poursuivre toutes nos mauvaises pensées on serait tous en prison. La punition commence à partir du commencement d’exécution des actes matériels de l’infraction lorsque l’agent pénal n’est contraint de mettre fin à son action que du fait d’éléments extérieurs à sa volonté. On parle d’absence de désistement volontaire.
Cependant dans certains cas rares, lorsque le législateur considère que l’infraction, si elle était consommée aurait des conséquences très graves, il n’attend pas un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire pour réprimer. Il érige en infraction autonome des actes qui pris isolément ne seraient pas punissables. C’est le cas de l’infraction d’excès de vitesse qui tend à prévenir une infraction plus grave qu’est l’homicide ou les blessures involontaires qui pourraient résulter d’un accident de la circulation. C’est aussi le cas d’une pluralité d’actes préparatoires d’un attentat terroriste.

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On parle alors dans ces cas d’infractions obstacles : c’est l’exemple type de l’infraction de complot contre la sûreté de l’état. Le législateur n’attend pas que l’on rassemble des troupes, que l’on entame une marche guerrière contre les institutions de l’état pour constater la constitution de cette infraction. Il anticipe toute volonté de renverser l’ordre constitutionnel et en punit les auteurs dès lors qu’il existe le moindre acte, aussi minime soit-il qui concrétise ou trahit leur volonté d’attenter à l’autorité de l’État.

Alors ceux qui disent qu’il n’y a pas coup d’état dans notre dossier, qu’aucun coup d’état ne se fait avec un seul militaire fût-il commandant de la garde républicaine ont raison. Ils ont raison parce qu’il n’y a justement pas coup d’état dans notre dossier. Mais ils ont tort !
Ils ont tort car ils se trompent de procès. Ils ont tort car notre dossier n’est pas celui d’un attentat pour renverser l’ordre constitutionnel mais c’est celui d’un complot en vue de commettre cet attentat. Et c’est très différent !

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Venons-en maintenant à la démonstration en droit que j’annonçais au début de mes propos.

Aux termes de l’article 194 alinéa 3 du code pénal, « Constitue un complot, la résolution arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un attentat lorsque cette résolution est concrétisée par un ou plusieurs actes matériels ».

Ainsi, pour que l’infraction de complot contre la sûreté de l’état soit constituée il faut trois éléments :

• Une résolution arrêtée entre plusieurs personnes
• Une concrétisation de cette résolution par un ou plusieurs actes matériels
• Un but qui est celui de commettre un attentat 
L’article 193 du code pénal donne des indications précises sur la notion d’attentat.  
Cette disposition précise que pour être retenu l’attentat doit avoir pour but : « soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’État ou à s’armer les uns contre les autres, soit à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ».

Une lecture croisée des dispositions des articles 193 et 194 du code pénal permet de retenir que le complot contre la sûreté de l’État est la résolution arrêtée entre plusieurs personnes soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel soit d’inciter les citoyens à s’armer contre l’autorité de l’État soit encore de porter atteinte à l’intégrité du territoire national. Comme je le précisais il y un instant, le code distingue l’attentat contre la sûreté de l’État du complot contre la sûreté de l’État.

Alors que pour être constituée l’infraction d’attentat contre la sûreté de l’État doit se concrétiser dans un acte matériel d’exécution ou de commencement d’exécution, pour le complot contre la sûreté de l’État, la simple acceptation morale et l’expression de la volonté à poser des actes ayant vocation à porter atteinte à la sûreté de l’Etat suffit.

En effet, l’infraction de complot contre la sûreté de l’État est une infraction-obstacle qui est l’incrimination d’une attitude ou d’un comportement dangereux sans conséquence dommageable immédiate et effective. Le législateur a entendu incriminer à titre principal un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable et ce, indépendamment de la réalisation. Il s’agit d’appréhender pénalement des actes préparatoires de l’attentat contre la sûreté de l’État qui ne peuvent être réprimés au titre de la tentative punissable.

En dehors de l’élément légal de cette infraction il faut être attentif aux éléments matériel et intentionnel. Ici la particularité est que l’infraction est constituée chaque fois qu’il peut être établi la réalité d’un acte matériel qui trahit la résolution des inculpés de commettre le complot. Il n’est pas utile d’établir que cet acte matériel répond aux critères d’un commencement d’exécution de l’attentat contre la sureté de l’Etat pour être appréhendé pénalement au titre de la tentative punissable.

Au total, pour être constituée, l’infraction de complot contre la sûreté de l’État doit s’apprécier :

• Dans son élément intentionnel : la résolution entre plusieurs personnes de commettre un attentat

• Dans son élément matériel : l’existence d’un ou plusieurs actes caractérisant cette résolution.”

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