Le prix Nobel de littérature 2024 attribué à Han Kang

Le prix Nobel de littérature 2024 attribué à Han Kang

L’autrice sud-coréenne Han Kang est récompensée pour l’ensemble de son œuvre du prix Nobel de littérature.  Elle était apparemment en train de dîner avec son fils, lorsqu’elle a appris la nouvelle grâce au message envoyé par l’un des 18 membres de l’Académie suédoise. Sa première réaction : « Jusqu’ici, j’ai eu une journée tout à fait ordinaire, je n’étais vraiment pas préparée pour cette annonce ».

Née dans la ville sud-coréenne de Gwangju, Han Kang a 53 ans et est issue du milieu littéraire puisque son père, Han Sung-won, est un romancier réputé. Elle avait reçu en 2023 le prix Médicis du roman étranger. Han Kang est devenue célèbre pour son roman The Vegetarian, pour lequel elle a reçu le prix Booker en 2016, ainsi que pour son roman Human Acts.

Le comité Nobel a souligné dans les motifs de sa décision sa « prose poétique intense qui confronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine ».

« Elle a une conscience unique des liens entre le corps et l’âme, les vivants et les morts, et dans son style poétique et expérimental, elle est devenue une innovatrice dans la prose contemporaine », peut-on lire dans le communiqué du comité.

Han Kang est née le 27 novembre 1970. Elle est devenue célèbre grâce à son roman La Végétarienne, pour lequel elle a reçu le prix Booker en 2016, ainsi qu’à son roman Actes humains. Elle vient de remporter en tant que première Sud-coréenne le plus prestigieux et aussi le mieux doté des prix littéraires au monde, avec 11 millions de couronnes suédoises, c’est-à-dire plus de 970 000 euros. Elle devient la 18e femme parmi les 117 lauréats à avoir remporté la récompense ultime. 

La percée internationale avec « La végétarienne »

Née le 27 novembre 1970, à Gwangju, ancienne capitale de la province du Jeolla du Sud, la famille de Han Kang s’installe à Séoul quand elle a neuf ans. Comme son père est un romancier connu, elle baigne depuis sa naissance dans un univers artistique. Très vite, Han Kang s’exprime par les mots, mais aussi par la musique et l’art qui se retrouvent souvent dans ses créations littéraires.

Lors de ses études de littérature à l’université Yonsei, à Séoul, elle découvre sa fascination pour la poésie de Yi Sang, le « Rimbaud coréen », décédé en 1937 à l’âge de 27 ans, et consacre ses premières publications à la poésie. Tes mains froides, l’un de ses premiers romans, publié en 2002, reflète son implication dans l’art, par exemple quand elle évoque un manuscrit laissé par un sculpteur disparu, obsédé par la réalisation de moulages en plâtre de corps féminins. Le jeu, l’ambiguïté, voire le conflit entre le visible et l’invisible, le réel et l’irréel, la révélation et la dissimulation se trouvent souvent au centre de ses préoccupations.

Avec La végétarienne (2015), elle réussit pour la première fois à attirer l’attention du monde littéraire au niveau international. Il s’agit d’une exploration de l’expérience radicale d’une femme, Yeong-hye, qui refuse de se soumettre aux normes de l’alimentation et entre en résistance contre le contrôle social. Quand elle persiste à ne pas manger de la viande, elle suscite des réactions violentes et imprévisibles même auprès de sa propre famille, cela va de son mari en passant par son père autoritaire, jusqu’à l’exploitation sexuelle par son beau-frère, artiste vidéo. Internée finalement dans une clinique psychiatrique, elle cherche à se sauver par sa propre imagination en s’éloignant encore plus de la société qui l’entoure. Une œuvre récompensée par le Booker Prize en 2016 et dont l’adaptation au cinéma avait été sélectionnée au festival de Sundance.

L’empathie et la politique

L’empathie joue un rôle majeur dans l’œuvre de Han Kang. The Wind Blows, Go, paru en 2010, aborde les questions complexes de l’amitié et de l’art. Greek Lessons (2011) parle du lien extraordinaire entre deux personnes vulnérables et la capacité de créer un langage commun. L’histoire raconte la rencontre entre une jeune femme traumatisée devenue muette et un professeur de grec ancien qui est en train de perdre la vue.

Portée par les valeurs humaines et des univers souvent intimes, l’autrice n’écarte pas non plus la dimension politique de la vie. Dans Human Acts (2014), elle parle d’un massacre commis à Gwangju, sa ville natale, par l’armée sud-coréenne en 1980, en donnant une voix aux centaines d’étudiants et de civils désarmés qui ont été assassinés.

Avec son roman Impossibles adieux, publié en 2021 et aussi récompensé en France, elle récidive avec ses pensées profondément politiques. Un hommage à des dizaines de milliers de personnes, dont aussi des enfants et des personnes âgées, qui ont été fusillées à la fin des années 1940 sur l’île sud-coréenne de Jeju, parce qu’elles étaient communistes ou soupçonnées d’être des collaborateurs.

Dans The White Book, la puissance poétique de son style et l’omniprésence de la couleur blanche et du vide prennent le dessus pour raconter une tragédie personnelle vécue par sa mère et son père, mais qui a eu aussi de fortes répercussions sur sa propre vie : le décès de sa sœur ainée quelques heures après sa naissance. En se demandant si cette mort précoce n’a pas aussi rendu sa vie possible, elle inclut la mort et les morts dans sa vision de la vie.

Les africains oubliés ?

Cependant, jusqu’à aujourd’hui, seulement cinq écrivains du continent africain ont reçu le prix Nobel de littérature : le chantre de la liberté, le Nigérian Wole Soyinka, est devenu en 1986 le premier écrivain noir et le premier auteur africain nobélisé par le prix de littérature, suivi en 1988 par le « Victor Hugo du Caire », l’Égyptien Naguib Mahfouz, la militante contre l’apartheid, la Sud-Africaine Nadine Gordimer en 1991, devenue la première femme du continent africain distinguée par le prix, l’écrivain anti-raciste John Maxwell Coetzee (« écrivain occidental vivant en Afrique du Sud ») en 2003 et le Tanzanien Abdulrazak Gurnah, qui s’est vu décerner le prix en 2021 et qui a été félicité pour ses récits sur le « destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents ». Depuis 1901, l’Europe et l’Amérique du Nord représentent les trois quarts des auteurs récompensés par la plus prestigieuse distinction littéraire du monde. Avec Han Kang, le prix Nobel de littérature a récompensé aussi l’écriture et la culture d’un autre continent.

L’an dernier, le prix Nobel de littérature avait été remis au dramaturge norvégien Jon Fosse.

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