Édito : La Cedeao dans le trou noir magnétique de l’abîme
De quelle crédibilité dispose encore la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à la suite des récents coups d’Etat militaire en Guinée, Mali, Burkina et Niger. Et bien la question mérite d’être posée dans un contexte où les peuples africains affichent de plus en plus leur autodétermination à se libérer du néocolonialisme. Cette institution sous régionale déjà dans un état moribond, puisque n’ayant pas su jouer convenablement le rôle de développement économique de ses états membres depuis sa création s’ effondre. Si non, comment comprendre l’hérésie et l’amnésie de certains Chefs d’États africains membres de la CEDEAO, ramant à contre courant de l’histoire en se positionnant, soit dans une posture de méconnaissance de cette dernière et cela sonnerait comme une faute, soit dans un déni retentissant, dès lors considéré comme un crime quand on sait que jadis, nous formions tous un même peuple sur un même territoire, n’eut été la balkanisation de l’Afrique à l’issue de la conférence de Berlin en 1885. Comment ces Chefs d’États ont pu oublier ce qu’ont été successivement les empires du Ghana, du Mali puis enfin Songhaï dont les résidus territoriaux sont aujourd’hui les actuels : Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Togo?
Comment ces Chefs d’États ont pu tomber dans une banalité en préconisant une intervention militaire sur un pays frère, en prenant le risque de tuer leurs propres fils et filles, leurs propres cousins et cousines, tout simplement leur propres parents situés de l’autre côté de la frontière, héritage de l’impérialisme colonial. Comment ces Chefs d’États africains ont pu ignorer qu’une intervention militaire au Niger est la pire des solutions à cette crise, puisqu’elle sonnerait le glas d’une guerre civile frontalière et de facto d’une déliquescence de l’Afrique. Ceci depuis d’une part, l’épicentre qu’est le Sahel jusqu’à la côte du golfe de Guinée et d’autre part du Sahel à l’Afrique du Nord en plus de la braise Libyenne. Sans oublier bien sûr les tensions entre la RD Congo et le Rwanda. Il n’en fallait pas mieux pour le terrorisme international de trouver l’humus idéal pour essaimer toute l’Afrique tel un Cancer qui s’empare d’un organisme.
La CEDEAO comme une appendice de la France
Cette intervention militaire brandie par la CEDEAO à part l’option de la négociation pour bouter les putschistes nigériens et rétablir le pouvoir du Président Bazoum, de l’avis de plus d’un est mûrie de fond en comble. Et tout semble prouver qu’elle serait décidée sous fond d’humeur, de façon épidermique par une France suprise, paniquée, tourmentée, hagarde, pleurnicharde, comme un bébé sevré brutalement. Sentant sa fin prochaine sur le continent, comme un félin agonisant dans son marre de sang, la parade à deux balles toute trouvée dans ces derniers soubresauts est la CEDEAO. Une institution dont Paris veut se servir comme parapluie pour tenter vaille que vaille à tenir le butin de son crime en prenant le pari d’emporter inexorablement la CEDEAO avec lui dans le trou noir magnétique de l’abîme.
En clair, rare sont les États africains qui ont une farouche envie d’aller faire la guerre à Niamey, même s’ils sont contre le coup de force. Certains notamment l’Algerie, le Tchad, le Mali, le Burkina ont été assez audible en ce sens que déclarer la guerre au Niger, c’est leur déclarer la guerre. Ce qui leur fera réagir selon le principe de légitime défense. Mieux, le sénat du Nigeria, pays de Bola Tinubu, président en exercice de la CEDEAO ne soutient pas une intervention militaire. En effet, les deux pays partagent 1 500 km de frontière. Des élus nigerians avaient souligné les liens culturels, religieux, linguistiques entre les deux côtés, ajoutant qu’une opération aurait des implications au Nigeria avec une possible déstabilisation de régions très pauvres déjà sous pression des groupes armés. Cette réalité du Niger avec le Nigeria est identique avec le Bénin de Patrice Talon, qui entretien une relation d’interdépendance avec le Niger. En gros, la CEDEAO a poussé la menace de l’intervention militaire trop loin de sorte qu’il lui est désormais difficile de reculer sans perdre la face. Cette institution sous régionale a l’impérieux devoir de se réinventer afin de cesser d’être vue comme un syndicat de Chef d’État qui milite pour leurs intérêts personnels au détriment du peuple.
Cyrus J. KOUDJENOUME