Echanges bilatéraux en monnaie locale : Le Brésil et l’Argentine veulent se passer du dollar
Il est né un projet d’échanges bilatéraux en monnaie locale entre le Brésil et l’Argentine. Payer les importations brésiliennes en pesos argentin. C’est la proposition alléchante faite par le président Lula à son homologue Fernandez. Une véritable aubaine pour ce pays aux abois. Surendetté, miné par l’hyper inflation, éreinté par une sécheresse historique qui a massacré les récoltes, sapé par l’érosion de sa devise qui a perdu 44 % face au dollar depuis un an.
Pour toutes ces raisons, l’Argentine est en pénurie récurrente de devises américaines. Seulement voilà, pour l’instant, cette promesse reste une coquille vide. Les deux présidents ont âprement discuté du sujet lors de leur rencontre mardi à Brasilia, sans parvenir à une annonce concrète. Leurs ministres doivent se retrouver dans les prochains jours pour tenter de mettre au point un mécanisme sûr pour les deux pays. Leurs échanges pour le moment se règlent en dollar, une situation très répandue dans le monde. 45 % des échanges mondiaux s’effectuent en dollar.
Dix-neuf pays souhaitent rejoindre le club formé par les cinq grands émergents pour participer à cette monnaie commune. Elle pourrait être adossée à l’or. Il faudra encore des années de négociations pour que ce projet se concrétise. Les BRICS se sont dernièrement dotés d’une banque de développement. Dirigée par la Brésilienne Dilma Roussef, l’ancienne présidente et compagnonne de route de Lula. Faute de pouvoir tenir la promesse faite à l’Argentine, Lula a proposé que la question soit soumise à la banque des BRICS.
L’État propose d’ouvrir une ligne de crédit pour financer les exportations vers l’Argentine qui seront réglées en pesos. Mais l’opération est risquée : pas sûr qu’il retrouve sa mise de départ vu l’érosion permanente du peso. Le Brésil a déjà essuyé des pertes avec Cuba et le Venezuela et n’a pas envie d’en faire à nouveau les frais. Même si le jeu en vaut la chandelle. Le Brésil estime avoir perdu du terrain en Argentine au bénéfice de la Chine qui elle offre des solutions de paiements alternatives au dollar. Le problème pour les États qui sont contraints d’utiliser le dollar, c’est que son contrôle leur échappe totalement, c’est le privilège exclusif de la première puissance mondiale. Cela fait cinquante ans que cette hégémonie est contestée, mais jusqu’à maintenant aucun pays n’a réussi à s’en affranchir.
Il faut rappeler que le Brésil et l’Argentine se sont accordés en janvier 2023, pour entamer des discussions exploratoires sur la création d’une monnaie unique, notamment pour contrer le pouvoir du dollar. Le président argentin, Alberto Fernandes, et son homologue brésilien Lula en ont discuté. L’idée d’un contre-pouvoir au dollar n’est pas nouvelle. Le président argentin dans les années 1990, Carlos Menem, l’avait déjà évoquée. Plus récemment, le ministre des Finances brésilien et ex-maire de Sao Paulo, Fernando Haddad, soutien de Lula, avait remis sur la table cette possibilité, allant jusqu’à proposer un nom pour cette future monnaie appelée à remplacer le real brésilien et le peso argentin, le « sur » en espagnol, c’est-à-dire le sud. Tout un symbole. Au-delà de hâter le développement des relations commerciales entre le Brésil et l’Argentine, l’autre objectif des deux pays est, en s’alliant sur le plan économique et monétaire, d’entamer le pouvoir du dollar. Ce ne serait ni plus ni moins que la création d’un « euro sud-américain » dans l’arrière-cour des Etats-Unis.
La dé-dollarisation de l’économie de la planète se fait peut-être à tout petits pas mais elle est en marche. Les sanctions occidentales contre la Russie et notamment le gel des réserves en billets verts de la banque centrale, suite à la guerre en Ukraine, ont montré aux autres pays que leurs avoirs en dollars pouvaient être rayés d’un coup de crayon si les Etats-Unis jugeaient leurs intérêts menacés. L’Argentine a d’ailleurs fait part de son intention de rejoindre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et a déjà obtenu le soutien de la Chine et de l’Inde. Le projet d’union monétaire est donc un pas de plus vers la fragmentation du monde et l’organisation d’un contre-pouvoir à l’Amérique. A eux deux, l’Argentine et le Brésil représenteraient environ 5 % du PIB de la planète.