Présidentielle 2026 : Un juge ordonne à Boni Yayi de restituer la fiche de parrainage du député Sodjinou
Coup de tonnerre judiciaire dans le paysage politique béninois à la veille de la clôture du dépôt des candidatures à la présidentielle. Par une ordonnance rendue le 13 octobre 2025, le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, statuant en référé, a ordonné à Thomas Boni Yayi, président du parti Les Démocrates, de restituer sans délai au député Michel François Oloutoyé Sodjinou sa fiche nominative de parrainage.
La décision, signée par le président Dossa Guillaume Lally, assisté du greffier Osséni Radji, a été prise dans un contexte d’urgence, le 14 octobre à minuit étant la date butoir fixée par la Commission électorale nationale autonome (CENA) pour l’utilisation des formulaires de parrainage.
Une affaire de parrainage devenue judiciaire
Tout est parti du retrait officiel des formulaires de parrainage nominatif auprès de la CENA. Comme l’ensemble des députés du parti Les Démocrates, Michel Sodjinou avait remis son formulaire au président Boni Yayi, le 2 septembre 2025, dans le cadre d’une « démarche de discipline et de coordination interne » prônée par le parti.
Mais, selon le député, cette remise ne signifiait pas abandon de son droit individuel à parrainer. Dans son assignation, il soutient que sa fiche est restée détenue par le président du parti, l’empêchant ainsi d’exercer librement son droit politique. Estimant cette rétention « irrégulière et arbitraire », il a saisi le juge des référés pour « être rétabli dans ses droits ».
L’élu de la 19ᵉ circonscription électorale, assisté de Maître Brice Zinzindohoué et de la SCP HK Avocats & Associés, a plaidé l’urgence, rappelant que le délai légal pour l’usage du formulaire expirait le lendemain.
Le juge a retenu cette urgence comme élément déterminant, notant qu’« il y a péril en la demeure » si la décision devait attendre son enregistrement avant exécution.
Le tribunal tranche : restitution immédiate et exécution sur minute
Après examen du dossier, le tribunal a constaté que le formulaire de parrainage est nominatif et attaché à la personne de chaque élu habilité par la loi. En conséquence, il ne peut être retenu « par un parti politique ou son président contre la volonté du député concerné ».
Dans son ordonnance, le juge Dossa Guillaume Lally ordonne à Thomas Boni Yayi, ès qualités de président du parti Les Démocrates, ainsi qu’au parti lui-même, de restituer immédiatement au député Sodjinou le formulaire nominatif de parrainage qui lui a été délivré par la CENA.
Et pour prévenir toute résistance, le tribunal a enjoint au président de la CENA d’« invalider le précédent formulaire » et d’en délivrer un nouveau à l’élu, « en cas de refus des défendeurs de le restituer ».
Le juge a en outre ordonné l’exécution provisoire sur minute, c’est-à-dire immédiate et sans attendre les formalités d’enregistrement, estimant que « l’extrême nécessité » est démontrée. Les défendeurs ont été condamnés aux dépens.
Les Démocrates absents à l’audience
Fait notable, ni Thomas Boni Yayi, ni aucun représentant du parti Les Démocrates n’a comparu à l’audience du 13 octobre. Le tribunal a relevé que l’assignation avait bien été signifiée, notamment à travers le garde du corps du président Yayi et à son domicile, ce qui rend la décision réputée contradictoire.
Le conseiller juridique de la CENA, M. Afidé Fidèle Bossol, présent à l’audience, a confirmé que la date limite d’utilisation des formulaires de parrainage était fixée au 14 octobre à minuit, renforçant ainsi le caractère urgent du recours.
Une décision à forte portée politique
Cette décision, rendue à la veille de la clôture du dépôt des candidatures à la présidentielle de 2026, revêt une portée politique considérable. Elle consacre le droit individuel de chaque élu à user librement de son parrainage, sans contrainte partisane, et pourrait ouvrir la voie à d’autres contestations similaires.
Le délai d’appel de quinze jours court désormais pour les défendeurs. Mais compte tenu de l’exécution immédiate ordonnée, Michel Sodjinou peut dès à présent exercer son droit de parrainage.
Le dossier révèle ainsi, au-delà du différend personnel, les tensions internes autour du contrôle du parrainage, un enjeu central dans la stratégie des partis pour la présidentielle de 2026.

