Cameroun : Climat tendu entre le gouvernement et le barreau après la présidentielle

Cameroun : Climat tendu entre le gouvernement et le barreau après la présidentielle

Au Cameroun, le climat demeure tendu entre les autorités gouvernementales et l’Ordre national des avocats, plus de deux mois après l’élection présidentielle du 12 octobre. Cette crispation s’est illustrée de manière éclatante lors de l’audience accordée, le 22 décembre 2025, au bâtonnier de l’Ordre, Me Mbah Eric Mbah, par le ministre de l’Administration territoriale (MINAT), Paul Atanga Nji.

Au cours de cette rencontre, le ministre n’a pas caché son irritation face aux prises de position publiques de certains avocats, qu’il accuse de diffuser des chiffres « mensongers » relatifs aux violences post-électorales. Selon Paul Atanga Nji, des déclarations évoquant des dizaines de morts et des milliers d’arrestations ne reposeraient sur aucune base crédible. Le MINAT soutient que l’État a, pour sa part, communiqué des bilans officiels détaillés et régulièrement mis à jour, tout en affirmant qu’aucune détention administrative n’est actuellement en cours sur le territoire national.

Le ministre de l’Administration territoriale a également dénoncé la forte présence médiatique de certains membres du barreau, estimant que leurs interventions constituent des attaques répétées et injustifiées contre les autorités publiques. Il a annoncé, dans ce cadre, le lancement d’un recensement de propos jugés « irresponsables », laissant entendre que des poursuites judiciaires pourraient être engagées contre leurs auteurs. Une déclaration qui a renforcé les inquiétudes sur une possible escalade des tensions entre le pouvoir exécutif et les acteurs judiciaires.

Face à ces accusations, le bâtonnier Me Mbah Eric Mbah a adopté une posture nuancée.

S’il a reconnu l’existence de dérives isolées au sein du barreau, il a néanmoins tenu à rappeler le rôle fondamental des avocats dans la défense des droits et libertés, en particulier dans un contexte post-électoral marqué par de fortes sensibilités. Il a surtout pointé du doigt ce qu’il considère comme des manquements du côté des forces de sécurité, évoquant des cas signalés de violences, de décès et des conditions de détention jugées préoccupantes.

Dans un souci d’apaisement, le bâtonnier a plaidé pour la mise en place d’une commission mixte regroupant représentants du gouvernement, de l’Ordre des avocats et d’autres acteurs institutionnels. Cette instance aurait pour mission d’examiner de manière contradictoire et transparente les cas rapportés, afin de faire toute la lumière sur les événements survenus après le scrutin présidentiel. Une proposition présentée comme une voie de dialogue et de réconciliation institutionnelle, plutôt que de confrontation.

Cette sortie du bâtonnier illustre la profondeur du malaise institutionnel qui traverse le Cameroun dans l’après-présidentielle. Entre volonté de l’État de contrôler le discours public et exigence du barreau de documenter et dénoncer d’éventuelles violations des droits humains, les lignes de fracture restent vives. Dans un contexte encore sensible, la capacité des différentes parties à privilégier le dialogue et les mécanismes institutionnels pourrait s’avérer déterminante pour restaurer la confiance et apaiser durablement le climat politique et judiciaire du pays.

portailinfo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *