Allongement des mandats électifs au Bénin : Patrice Talon plaide pour le temps long de l’action publique
La révision de la Constitution béninoise, ayant porté la durée des mandats électifs à sept ans, continue de susciter débats et interrogations dans l’opinion publique. Face aux critiques et aux incompréhensions, le président de la République, Patrice Talon, a tenu à justifier cette réforme en mettant en avant les contraintes du temps politique face aux exigences du développement.
Pour le chef de l’État, l’allongement des mandats répond avant tout à une réalité de terrain : l’urgence des besoins sociaux et la lenteur inhérente à la mise en œuvre des politiques publiques. « Quand les gens vous demandent des centres de santé, des écoles, de l’eau, c’est d’une telle urgence. Mais malheureusement, si au bout d’un ou deux ans vous ne le faites pas, les populations ne comprennent pas que le temps imparti n’est pas suffisant », a-t-il expliqué.
Selon Patrice Talon, la pression électorale permanente pousse souvent les gouvernants à privilégier des actions visibles à court terme, au détriment de réformes structurelles pourtant indispensables. « Il faut beaucoup plus que ça. Nous imitons les gens qui n’ont pas les mêmes problèmes que vous », a-t-il poursuivi, évoquant des modèles politiques importés, peu adaptés aux réalités locales.
La pression électorale face aux attentes des populations
Le président de la République a également mis en avant les attentes territoriales parfois contradictoires auxquelles font face les dirigeants. « Quand on attend de vous qu’il y ait des routes dans chaque localité, si vous faites ça ici et que vous ne le faites pas là-bas, après deux ou trois ans, quand vous allez aux élections, ils ne voteront pas pour vous », a-t-il souligné, illustrant la difficulté de concilier équité territoriale et échéances électorales rapprochées.
Revenant sur son propre mandat, Patrice Talon a reconnu que certains objectifs initiaux n’ont pu être atteints dans les délais espérés. « Quand je suis arrivé, j’ai espéré qu’au bout de cinq ans, j’aurais atteint 80 à 90 % de taux de couverture en eau potable. C’était mon plan, ma volonté », a-t-il confié. Pourtant, admet-il, des localités restent encore sans accès à l’eau, sans marché, sans stade. « Il y a encore des endroits où on dit : vous êtes venus ici en campagne, on a demandé de l’eau, on n’a pas eu l’eau », a-t-il reconnu.
Le temps de l’action face au temps politique
Pour Patrice Talon, cette situation traduit une course permanente contre le temps. « Nous avons une course contre la montre. Moi, j’ai pris vingt ans en cinq ans. J’ai vieilli beaucoup plus vite que je ne devrais l’être », a-t-il déclaré sur un ton teinté d’ironie. Derrière la boutade, le message est clair : « Le temps de l’action efficace est beaucoup plus long que le temps de la reddition de compte, le temps politique ».
C’est donc au nom de cette logique du temps long que le président justifie l’allongement des mandats électifs, estimant qu’il permettrait aux dirigeants de concevoir, mettre en œuvre et achever des projets structurants sans être constamment sous la pression des urnes.
Questions de réflexion
Cette justification soulève toutefois plusieurs interrogations fondamentales.
L’État n’est-il pas, par nature, une continuité au-delà des mandats et des hommes ?
Dix années de gouvernance suffisent-elles réellement à régler l’ensemble des problèmes structurels d’un pays en développement ?
L’expérience ne montre-t-elle pas, au contraire, qu’aucun dirigeant, quelle que soit la durée de son mandat, ne peut tout accomplir seul ?
Enfin, l’allongement du temps politique, combiné à l’instauration d’une forme de trêve politique, ne risque-t-il pas d’installer un certain laxisme dans l’action publique, en réduisant la pression démocratique exercée par les citoyens ?
Autant de questions qui alimentent le débat national sur la réforme constitutionnelle et sur l’équilibre entre efficacité de l’action publique et exigence de redevabilité démocratique.

